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CONGÉS PAYÉS & ARRET MALADIE : LE BIG BANG EST ARRIVÉ !

On sait que le Droit français n’est pas toujours « raccord » avec les textes de l’Union Européenne. La Cour de cassation vient de nous offrir quelques illustrations de ce phénomène en matière de maladie et de congés payés.

La question est simple mais extrêmement sensible : un salarié acquiert-il des congés payés pendant une période d’arrêt de maladie ou d’accident ou de maladie professionnelle ?



une femme malade sur son canapé


1. Un droit français non conforme au droit européen

Au regard du droit français, cette réponse au droit à congé était incontestablement négative puisque l’article L3141-3 alinéa 1 du Code du travail dispose que « le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur ». En visant, spécifiquement la notion de « travail effectif », le législateur excluait donc toute acquisition de congés pendant la maladie.


Le même Code du travail prévoyait toutefois deux exceptions à ce principe :

  • les périodes de congé de maternité, de paternité et d’accueil de l’enfant et d’adoption ;

  • les périodes (dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an), pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle.

Cette solution était peut-être trop simple pour être vraie. En effet, certains avaient peut-être oublié l’article 4 de la directive européenne du 4 novembre 2003 suivant lequel : « les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail ».


On relèvera que dans cette dernière source, aucune mention de « travail effectif » n’apparait.



2. Une inaction des pouvoirs publics pendant 20 ans


La Cour de cassation en avait déduit que le droit français n’était pas conforme au droit européen moins restrictif, mais que le juge ne pouvait permettre, dans un litige entre des particuliers, d’écarter les effets d’une disposition de droit national contraire (Cass soc. 13 mars 2013).

En d’autres termes, il ne restait plus au salarié lésé que la possibilité d’attaquer l’Etat devant le juge administratif en lui reprochant de ne pas avoir retranscrit les dispositions européennes dans l’ordre juridique interne (CAA Versailles 17 juillet 2023).


Récemment, devant le refus des autorités françaises de faire évoluer la loi, la Cour de cassation avait décidé que certes, l’article 7 de la directive européenne de 2003 n’était pas directement applicable, mais si l’interprétation de la règle nationale ne permettait pas d‘aboutir à une solution conforme à la directive européenne, le juge français se devait néanmoins de laisser la réglementation nationale inappliquée, en application du seul article 31, § 2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (prévoyant que « tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos

journalier et hebdomadaire, ainsi qu’à une période annuelle de congés payés »).

En un mot, les droits fondamentaux garantis dans l’ordre juridique de l’Union ont vocation à être appliqués dans tous les pays concernés (CJUE 6 novembre 2018 - Cass soc. 15 septembre 2021, 2 mars 2022).


Le moins que l’on puisse dire, c’est que la situation était mûre pour un revirement.


3. Des revirements attendus


Par deux arrêts fondamentaux, la Cour de cassation décide que les salariés acquièrent des droits :

  • à congés payés pendant leurs arrêts de travail pour maladie non professionnelle (Cass soc. 13 septembre 2023).

  • à congés dans cadre d’une suspension du contrat de travail liée à un accident ou à une maladie professionnelle, le droit à congé n’étant plus limité à un an (Cass. soc. 13 septembre 2023).

Dès lors, une question se pose : certes, l’employeur doit désormais maintenir les congés mais parle-t-on de quatre semaines (la norme européenne) ou de cinq semaines de congés (la norme française) ?


Une lecture attentive des décisions indique que le juge vise présentement le délai de cinq semaines. En effet, dans le cas contraire, la jurisprudence serait à l’origine d’une discrimination liée à l’état de santé prohibée par le code du travail (c. trav. art. L. 1132- 1), entre les salariés en arrêt maladie ou accident du travail /maladies professionnelles et les autres salariés, dès lors que les salariés absents en raison d’une maladie ou d’un accident du travail /maladies professionnelles bénéficieraient de droits à congé payé d’une durée moindre que les autres salariés.


Reste à savoir maintenant les leçons que le législateur entend tirer de ces arrêts. En effet, ces nouvelles positions risquent de couter cher à certaines entreprises confrontées aux absences pour maladie. Sur ce point, des options existent : limitation par la loi des droits à congés sur quatre semaines (la norme européenne), limitation du report dans le temps, des congés non pris du fait d’une maladie...


4. D’autres évolutions à venir...


Toujours dans un arrêt du 13 septembre 2023, la Cour de cassation a décidé que lorsque le salarié s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l’année de référence en raison de l’exercice de son droit au congé parental, les congés payés acquis à la date du début du congé parental devaient être reportés après la date de reprise du travail.

Qui plus est, le délai de prescription de l’indemnité de congé payé ne peut commencer à courir que si l’employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d’exercer effectivement son droit à congé payé.


Mais c’est désormais sur un autre point que l’on attend la position de la chambre sociale s’agissant du salarié malade pendant ses congés. Alors que le droit français estime que le salarié malade pendant ses congés ne voit pas ses droits à congés reportés (mais bénéficie des prestations de l’assurance maladie), la CJUE a jugé qu’un salarié malade pendant sa période de congé annuel conservait ses jours de congés payés (CJUE, 21-6-12, aff. C.78/11, Anged).


La Cour européenne estime en effet que les congés payés et les congés maladie poursuivent deux finalités différentes : les congés payés visent à permettre au salarié de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisir alors que le congé maladie est accordé afin qu’il puisse se rétablir d’une maladie.


Tout laisse à penser que cette situation risque d’évoluer...


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