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MISE EN PLACE DU TÉLÉTRAVAIL... BEAUCOUP D’INTERROGATIONS LÉGITIMES !

La mise en place du télétravail n’est pas une mince affaire... Entre des textes peu clairs, des jurisprudences qui se contredisent, des difficultés de marier le principe du code du travail avec la liberté du salarié... cette forme d’organisation suscite maintes interrogations sur lesquelles nous allons nous pencher.


  1. Une organisation peu souple

  2. Un salarié en télétravail a droit aux titres-restaurant

  3. Quid de l’accident de travail ?

  4. Un entretien annuel obligatoire

  5. Le contrôle de la durée du travail

  6. Le droit au remboursement des frais


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1 - Une organisation peu souple


On sait que le salarié n’est tenu ni d’accepter de travailler à son domicile, ni d’y installer ses dossiers et ses instruments de travail.

Un tel ordre constituerait une modification de son contrat qui pourrait autoriser l’intéressé à prendre acte de la rupture de son contrat de travail, celle-ci s’analysant dès lors en un licenciement (Cass soc. 2 octobre 2001).


De même, lorsque les parties sont convenues d’une exécution de tout ou partie du travail par le salarié à son domicile, l’employeur ne peut pas modifier cette organisation contractuelle du travail sans l’accord du salarié (Cass soc. 13 février 2013) et ce, même en présence d’une clause de mobilité (Cass soc. 12 février 2014).

Qui plus est, si l’avenant édicte que le télétravail est accordé au salarié à titre exceptionnel, sans aucune autre précision, notamment sur sa durée, l’employeur ne peut pas y mettre fin sans l’accord du salarié (Lyon 10 septembre 2021 RG n° 18/08845).


Pour la Cour d’appel d’Orléans, en l’absence d’accord collectif ou de charte, demander à un salarié de revenir sur site deux jours par semaine après plusieurs années de télétravail total constitue une modification du contrat de travail que l’employeur ne peut imposer unilatéralement au salarié ; l’employeur ne peut pas remettre en cause cette organisation du travail de manière unilatérale.

Peu importe, à cet égard, que cette organisation du travail n’ait jamais fait l’objet d’une formalisation dans le contrat de travail (Orléans, ch. soc. 7 décembre 2021, RG n° 19/01258).


En d’autres termes, l’employeur doit murement réfléchir sa décision de mettre en place le télétravail, au risque de rencontrer des difficultés pour revenir en arrière.... Autant d’éléments qui montrent que le projet de télétravail doit être réfléchi par le chef d’entreprise.


2 - Un salarié en télétravail a droit aux titres-restaurant


Un salarié en télétravail bénéficie des mêmes droits qu’un salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise. La solution parait claire et positive au regard de l’article L. 1222-9 du Code du travail qui dispose : « le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise ».

Etrangement, le tribunal judiciaire de Nanterre a décidé, le 10 mars 2021 (RG 20/09616), que l’employeur pouvait réserver les tickets restaurants à ceux qui continuaient à travailler sur site. Peu après, cette décision était remise en cause par le tribunal judiciaire de Paris qui a condamné le 31 mars 2021 (RG/20/09805) une entreprise à rembourser les tickets restaurants de tous les salariés qui en avait été privés durant la période de télétravail.


Que l’employeur ne puisse exclure les télétravailleurs des tickets restaurant, cela parait acquis. Mais l’employeur a toujours la faculté de prévoir une tarification différente pour les titres-restaurant des télétravailleurs. La Cour de cassation a ainsi admis que l’employeur peut prévoir une tarification différente en fonction de l’éloignement entre le lieu de travail et le domicile des salariés, cette pratique ne pouvant pas être considérée comme discriminatoire (« aucune disposition de la réglementation régissant les tickets-restaurant n’interdit à l’employeur de prévoir une tarification différente en fonction de l’éloignement du lieu de travail par rapport au domicile des salariés » (Cass soc, 22 janvier 1992, 88-40938 88-40941)



3 - Quid de l'accident de travail ?


Il ne s’agit ici que d’une application de l’article L 1222-9 du Code du travail. L’accident sera donc pris en charge dans les mêmes conditions qu’un accident du travail survenu dans l’entreprise : le salarié bénéficiera d’un arrêt de travail.


Pour éviter les ambiguïtés, il peut être opportun que l’employeur fixe des horaires précis et un lieu de travail délimité, afin de gérer la possibilité d’accident du travail. La connexion au réseau de l’entreprise est aussi une preuve, permettant de cadrer les horaires de travail.


En cas de doute sur l’origine professionnelle de la lésion, la caisse primaire ou l’employeur doivent démontrer que celle-ci trouve son origine dans une cause totalement étrangère au travail.



4 - Un entretien annuel obligatoire


Le Code du travail précise que l’employeur est tenu notamment d’organiser, chaque année, un entretien sur les conditions d’activité du salarié en télétravail et de sa charge de travail (Code du travail, art. L. 1222-10). Cette obligation a été mise en place par les ordonnances

Macron en septembre 2017.


Le Code est toutefois très succinct. Il ne précise pas si cet entretien concerne tous les salariés en télétravail quel que soit le nombre de jours télétravaillés. Il indique simplement qu’il porte sur les conditions de travail et la charge de travail du salarié.


Cet entretien annuel peut être l’occasion de s’assurer que le salarié respecte les temps de repos et le droit à la déconnexion, qu’il arrive à concilier la qualité de sa vie professionnelle et de sa vie privée, en plus de son évaluation de sa charge de travail.


5 - Le contrôle de la durée du travail


Le salarié en télétravail a les mêmes droits et devoirs que les autres salariés. Dans ces conditions, les règles relatives au temps de travail et à son contrôle trouvent application. L’article L 1222-9, II du Code du travail précise d’ailleurs que l’accord collectif ou la charte sur le télétravail doit préciser les modalités de contrôle du temps de travail (V. également Accord national interprofessionnel du 26 novembre 2020 art. 3. 1. 3).


Cette mise en place du télétravail prend également en compte le droit à la déconnexion qui a pour objectif le respect des temps de repos et de congé ainsi que la vie personnelle et familiale du salarié. C’est le droit pour tout salarié de ne pas être connecté à un outil numérique professionnel en dehors de son temps de travail (accord national interprofessionnel du 26 novembre 2020 art. 3. 1. 3).


Pour la Cour d’appel de Chambéry, le télétravail ne dispense pas l’employeur de ses obligations en matière de décompte des horaires hebdomadaires de travail. Ce dernier ne pouvait ignorer qu’une salariée placée dans un contexte de télétravail était susceptible d’effectuer des heures au-delà de 35 heures. En n’effectuant aucun contrôle, l’employeur se satisfaisait des heures faites par la salariée et acceptait implicitement la réalisation d’heures supplémentaires (Chambéry 9 décembre 2021 n° 20/00862).


Ainsi, il est entendu que l’employeur doit contrôler le temps de travail du télétravailleur. Mais comment pratiquement peut il opérer cette vérification dès lors que le travail n’est pas effectué dans ses locaux ?


Pratiquement, si un moyen de contrôle de l’activité du salarié et de contrôle du temps de travail est mis en place, il doit être justifié par la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché, et le salarié doit en être informé.


Le contrôle nécessite donc le respect de deux conditions cumulatives :

• La consultation préalable du CSE;

• L’information préalable des salariés (accord national interprofessionnel du 26-11-2020 art. 3. 1. 3).


Le moins que l’on puisse dire, c’est que les obstacles sont nombreux pour mettre en œuvre des systèmes de vérification...


6 - Le droit au remboursement des frais


Selon l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 (art. 7, al. 1), lorsque le télétravail s’exerce à domicile, sous réserve de la conformité des installations électriques et des lieux de travail, l’employeur fournit, installe et entretient les équipements nécessaires au télétravail.

Si, exceptionnellement, le télétravailleur utilise son propre équipement, l’employeur en assure l’adaptation et l’entretien.

Il assume également la responsabilité, conformément aux dispositions en vigueur, des coûts liés à la perte ou à la détérioration des équipements et des données utilisés par le télétravailleur. En cas de panne ou de mauvais fonctionnement des équipements de travail, le télétravailleur doit en aviser immédiatement l’entreprise suivant les modalités fixées par celle-ci.


Depuis l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, le Code du travail ne prévoit plus la prise en charge par l’employeur des frais du télétravail pour le salarié.

Cependant, la jurisprudence prévoit une obligation de prise en charge des frais professionnels qui est de portée générale (les frais qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent lui être remboursés : Cass soc. 27 mai 2009 pourvoi n° 07-42227). Qui plus est, l’accord interprofessionnel de 2005 (art 7) relatif au télétravail prévoit cette obligation (l’employeur prend en charge, dans tous les cas, les coûts directement engendrés par le télétravail, en particulier ceux liés aux communications).


Il est désormais prévu que lorsque le salarié en situation de télétravail engage des frais, l’allocation forfaitaire versée par l’employeur est réputée utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations et contributions sociales dans une certaine proportion (10,40 € par mois pour une journée de télétravail hebdomadaire ou 2,60 € par jour de télétravail, dans la limite de 57,20 € par mois)...Mais ceci n’est qu’une possibilité, la loi ne prévoyant pas expressément de dédommager le salarié pour ses frais supplémentaires...


Le moins que l’on puisse dire, c’est que la mise en place du télétravail, malgré la situation récente de confinement, suscite toujours maintes interrogations...

Sans doute serait-il nécessaire de redéfinir un cadre légal et actualisé afin de fixer les droits et devoirs des parties !


 

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