Un salarié de votre entreprise a créé une activité concurrente à la vôtre avant le terme de son contrat de travail et utilisé un de vos fichiers clients.
Si en l’absence de clause de non-concurrence, un salarié peut exercer une activité concurrente de celle de son ancien employeur, il doit s’abstenir d’agissements déloyaux à l’égard de celui-ci. Face à un salarié indélicat, que peut faire un employeur ? La Cour de cassation a apporté quelques réponses que nous vous explicitons.
Des notions à préciser
La définition de l’acte de concurrence déloyale
Une affaire qui aurait pu aller plus loin encore
1. Des notions à préciser
Très souvent, les notions de loyauté, de concurrence déloyale et de clause de non concurrence sont confondues. A tort, car elles correspondent à des situations différentes. Un état des lieux s’impose :
L’obligation de loyauté inhérente au contrat de travail durant son exécution. La Cour de cassation le rappeler : Le manquement grave à son obligation de loyauté d’un salarié ayant tenté de nuire aux intérêts de la société constitue une faute lourde justifiant l’interruption de son préavis de démission et sa condamnation à verser des dommages-intérêts à l’employeur (Cass soc. 30-6-2021). En cas de dispense d’un préavis, la Cour suprême a, toutefois, décidé que le salarié pouvait entrer au service d’une autre entreprise, fût-elle concurrente (Cass soc. 27 novembre 1991).
La concurrence déloyale (le dénigrement de l’ancien employeur, le détournement de clientèle ou le débauchage de salariés de l’ancien employeur) est sanctionnée indépendamment de toute clause dans le contrat de travail. « La nullité de la clause de non concurrence ne fait pas obstacle à l’action en responsabilité engagée par l’employeur contre son ancien salarié en raison d’actes de concurrence déloyale de ce dernier lui portant préjudice» (Cass soc. 3 novembre 2010).
La clause de non-concurrence au terme du contrat de travail a pour objet de limiter la possibilité, pour le salarié, de se faire embaucher par un nouvel employeur concurrent du précédent ou encore de s’installer à son compte dans le cadre d’une activité concurrentielle. Dans un arrêt du 18 septembre 2002, la chambre sociale de la cour de cassation a résumé les conditions de validité de la clause de non concurrence : « une clause de non concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ».
Le contentieux ici traité par la chambre commerciale de la Cour de cassation concernait un problème de concurrence déloyale dans une société de syndic de copropriété où des salariés non soumis à une clause de non-concurrence, avaient créé une entreprise concurrente à celle de son employeur et commencé l’activité avant le terme de leur contrat de travail.
2. La définition de l'acte de concurrence déloyale
La Cour de cassation condamne l’attitude des ex-salariés vis-à-vis de leur employeur :
Dans un premier temps, la Chambre commerciale rappelle que « constitue un acte de concurrence déloyale le fait, pour une société à la création de laquelle a participé le salarié d’une société concurrente, de débuter son activité avant le terme du contrat de travail liant ceux-ci ». En l’espèce donc, les juges du fond auraient dû rechercher si l’envoi par la nouvelle entreprise crée par les salariés, d’une proposition de contrat de syndic à un membre d’une copropriété cliente de leur employeur ne constituait pas un acte d’exploitation commis antérieurement au terme du contrat de travail et partant, une
faute...
Puis, dans un deuxième temps, la Cour de cassation retient que « le seul fait, pour une société à la création de laquelle a participé l’ancien salarié d’un concurrent, de détenir des informations confidentielles relatives à l’activité de ce dernier et obtenues par ce salarié pendant l’exécution de son contrat de travail, constitue un acte de concurrence déloyale ». En d’autres termes, il n’était pas nécessaire que l’ex-employeur démontre que ces informations confidentielles aient bien été exploitées par ses anciens salariés.
En effet, si la jurisprudence considère que rien n’interdit au salarié de préparer une future activité concurrente de celle de son employeur (en l’absence de clause de non-concurrence), c’est à la condition que cette concurrence ne devienne effective qu’après la rupture du contrat de travail (Cass com. 11 mars 2014).
De plus, la constitution d’une société concurrente dont l’ancien salarié prendrait la direction ne doit en aucune manière s’accompagner d’actes déloyaux, tels que l’appropriation d’informations confidentielles relatives à l’activité de précédent employeur.
Et enfin, une telle attitude est condamnable sur la base de l’article 1240 du Code civil suivant lequel : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » (Cass com. 7 décembre 2022).
3. Une affaire qui aurait pu aller encore plus loin
On notera en effet que le litige était limité entre les deux sociétés commerciales. Mais, il est clair que la société victime des actes de concurrence déloyale aurait également été fondée à rechercher la responsabilité de son ancien salarié devenu également dirigeant de la société concurrente.
On rappellera ainsi que la Cour de cassation a considéré que le dirigeant à l’origine du détournement d’informations confidentielles de son ancien employeur au profit de la société créée après son départ commettait une faute intentionnelle d’une particulière gravité, incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions sociales, et engageait ainsi sa responsabilité personnelle de ce fait (Cass com. 7 septembre 2022).
Une chose est toutefois certaine : si le salarié est libre de changer l’emploi ou de créer son activité, la Cour de cassation veille au respect d’une concurrence saine et loyale. Et nul ne s’en plaindra !
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