Entrée en vigueur l’été dernier (son versement a été rendu possible à partir du 1er juillet 2022), le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire s’est félicité le 10 novembre 2022 de ce que la prime de partage de la valeur (PPV) avait déjà bénéficié à 730.000 salariés, pour un montant moyen de plus de 710 €.
On s’en souvient c’est la loi du 16 aout 2022 qui a « pérennisé » (avec des modifications) la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA).
Les précisions, données deux mois après, par la Direction de la Sécurité Sociale (DSS) à l’occasion d’une instruction du 10 octobre 2022 ainsi que la mise à jour dans le Bulletin Officiel de la Sécurité Sociale (BOSS) du 21 décembre 2022 conduisent à devoir rappeler les précautions à prendre et à surtout à (tenter de) sécuriser les pratiques.
Rappels
Formalisme et modalités de versement
1 - Rappels
Les bénéficiaires de la PPV : tous les salariés ou agents visés par l’article L. 3311-1 du code du travail. Pour bénéficier du régime de faveur, elle doit être versée aux salariés liés à l’entreprise par un contrat de travail, aux intérimaires mis à disposition de l’entreprise utilisatrice, à sa date de versement OU à la date de dépôt de l’accord collectif ou de la signature de la décision unilatérale de l’employeur l’instituant.
Un régime social et fiscal incitatif : le montant de la PPV est exonéré de toutes cotisations
sociales, ainsi que des contributions liées à la formation, la taxe d’apprentissage et participation construction, dans la limite de 3.000 € par année civile et par bénéficiaire, quel que soit le niveau de rémunération du salarié.
Le montant peut être porté à 6.000 € par année civile et par bénéficiaire lorsque à la
date de versement de la prime ou sur le même exercice :
• Un dispositif d’intéressement est mis en œuvre ou conclu dans les entreprises d’au moins 50 salariés (soumises à l’obligation de mettre en place la participation) ;
• Un dispositif d’intéressement ou de participation est mis en œuvre ou conclu dans les entreprises de moins de 50 salariés (non soumises à l’obligation de mise en place de la participation).
A noter : la PPV est assimilée, s’agissant de l’assujettissement au forfait social, aux sommes versées au titre de l’intéressement. Elle est donc soumise au forfait social dans les entreprises de plus de 250 salariés (art. L. 137-15 CSS).
Dans la limite des plafonds exonérés de charges sociales (3.000/6.000 €), les primes versées entre le 1er juillet 2022 et le 31 décembre 2023, aux salariés ayant perçu une rémunération inférieure à 3 fois la valeur du SMIC annuel au cours des 12 mois précédant leur versement, sont exonérées d’impôt sur le revenu, de forfait social et de CSG/CRDS.
2 - Formalisme et modalités de versement
Le montant de la prime et éventuellement le niveau maximal de rémunération des salariés éligibles, ainsi que les conditions de modulation du niveau de la prime selon les bénéficiaires doivent être prévus par :
• Un accord d’entreprise ou de groupe conclu selon les modalités applicables aux accords d’intéressement,
• Ou par une décision unilatérale de l’employeur (DUE), auquel cas, le CSE (s’il existe) doit être consulté préalablement (et non plus seulement informé).
NB : la PPV ne doit pas se substituer à un élément de rémunération, augmentation de rémunération, primes prévus par la loi, au contrat de travail, par convention, accord collectif ou par les usages.
Le versement de la prime peut être réalisé en une ou plusieurs fois au cours de l’année civile, dans la limite d’une fois par trimestre. En aucun cas, elle ne peut être versée mensuellement.
Une modulation prévue par la Loi
Les employeurs ont la possibilité de moduler le montant de la prime, c’est-à-dire en faire varier le montant accordé, en fonction des critères suivants :
• La rémunération,
• Le niveau de classification,
• La durée de présence effective pendant l’année écoulée ou de la durée de travail
prévue au contrat. A noter que les congés de maternité, paternité, d’adoption et
d’éducation des enfants sont assimilés à des périodes de présence effective.
• L’ancienneté dans l’entreprise (il s’agit d’un nouveau critère).
Une insécurité provoquée par la mise à jour du BOSS
La dernière mise à jour du BOSS du 21 décembre 2022 a crée une vive surprise en ce qui concerne le critère de modulation de l’ancienneté.
Afin d’illustrer l’application des critères de modulation, l’Instruction a donné des exemples d’application desdits critères. Si le souci pédagogique est louable, l’exemple n°2 a suscité de vives interrogations (et inquiétudes) puisqu’il prévoit pour le critère de l’ancienneté, l’exemple suivant :
• Si dans une entreprise, les salariés avec une ancienneté d’au moins 10 ans perçoivent une prime de 2 500 € et ceux dont l’ancienneté est inférieure à 10 ans bénéficient d’une prime de 50 €.
• Alors : « les modalités de modulation en fonction de l’ancienneté des salariés dans l’entreprise [...] conduisent à des écarts de montant de prime disproportionnés avant combinaison avec d’autres critères modulation comme le critère de présence.
L’intention du législateur n’étant pas respectée, ces primes ne bénéficient pas de l’exonération ».
Plus de quatre mois après la publication de la Loi et alors que beaucoup d’entreprises ont déjà fixé les modalités et les critères de la PPV voire même versé ladite prime, elles découvrent que leur choix de modulation, pourrait être considéré comme « disproportionné ».
Si l’exemple donné par la mise à jour du BOSS peut être caricatural, aucune définition de la « disproportion » n’est donnée. C’est d’autant plus regrettable que la Loi du 16 aout 2022 n’en faisait pas état et que cette mise à jour rajoute donc à la Loi une condition qui en était absente.
Mieux, même si l’exemple de la « disproportion » est donné pour le critère de l’ancienneté, il parait fortement envisageable qu’il soit étendu à tous les critères de modulation.
Sauf précisions à venir, les entreprises pourraient donc se voir opposer par l’URSSAF une appréciation au cas par cas de leur utilisation de la modulation et de ce qui est « raisonnable » et s’exposer ainsi à un redressement.
Certes, les chefs d’entreprise ne manqueront pas d’arguments devant le juge mais avant d’arriver à ce stade, ils devront faire face aux redressements de l’URSSAF... à moins que pour l’année 2022, les agents de cette dernière fassent preuve de tolérance.
Première conséquence :
Pour les actes de mise en œuvre de la PPV pour cette année (et celles à venir), nul doute que les chefs d’entreprise devront adapter leur critère de modulation au regard de cette position du BOSS.
Seconde conséquence :
Pour les actes en cours, pour limiter les risques en cas de contrôle il va falloir analyser les choix faits en cas de modulation, se positionner quant à la proportionnalité et la motivation choisie et envisager éventuellement d’établir un acte rectificatif... en tenant compte du coût financier de cette modification.
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