Quelle procédure mener vis-à-vis du salarié inapte et qui dans le même temps est menacé
d’un licenciement disciplinaire (faute lourde) ?
Outre le fait que les deux procédures comportent des particularités l’aspect pécuniaire comporte également des différences notoires.
Ne pas se tromper est donc essentiel, sachant que si la procédure de départ est fausse, il sera impossible de bifurquer en cours de route...
Quelle était la situation ?
Quels enseignements en tirer ?
Une solution qui doit être circonscrite à ce qu'elle dit
Quelle était la solution ?
Un salarié en arrêt de travail à l’encontre duquel une procédure de licenciement disciplinaire avait été engagée, avait été déclaré inapte à son poste de travail par le médecin du travail, à l’issue d’une visite médicale de reprise, sans possibilité de reclassement au sein de l’entreprise ou du groupe.
Licencié pour faute lourde (visites de clients non effectuées en dépit de rapports de visite remis, fausses visites, le tout aggravé par une surévaluation de ses notes de frais), il avait saisi la juridiction prud’homale afin de contester le bien-fondé de son licenciement et solliciter le versement de diverses indemnités.
A bien y réfléchir, le respect de la procédure de licenciement pour inaptitude aurait imposé à l’employeur de licencier le salarié pour inaptitude et impossibilité de reclassement, conformément à l’avis du médecin du travail.
Il convient de noter qu’en cas de dispense de recherche de reclassement, cet avis exonère l’employeur d’une recherche de reclassement et de la consultation des représentants du personnel.
En revanche, si le médecin du travail se prononce par un simple avis d’inaptitude, l’employeur doit alors se livrer à une recherche de reclassement dans l’entreprise, voire le cas échéant dans le groupe auquel elle appartient. Et ce n’est que faute d’avoir été en mesure de proposer un poste conforme aux préconisations du médecin du travail, et après avoir effectué des recherches de reclassement loyales et sérieuses que l’employeur peut licencier le salarié pour inaptitude, après ce long parcours du combattant.
La cour d’appel avait rejeté les demandes du salarié, en retenant que la circonstance que l’inaptitude du salarié à occuper son emploi constaté par le médecin du travail ne privait pas la société de se prévaloir d’une faute lourde au soutien du licenciement.
Cette position est censurée par la Cour de cassation en des termes particulièrement clairs : les dispositions d’ordre public prévues par les articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du code du travail, font obstacle à ce que l’employeur prononce un licenciement pour un motif autre que l’inaptitude, peu important que l’employeur ait engagé antérieurement une procédure de licenciement pour une autre cause... ( Cass soc. 8 février 2023 pourvoi n° 21-16258).
Quels enseignements en tirer ?
Deux conséquences sont à retenir de cette décision :
1- Les règles relatives à l’inaptitude priment sur le licenciement disciplinaire.
La Cour de cassation érige même ce principe en disposition d’ordre public. On rappellera sur ce point que l’ordre public désigne l’ensemble des règles d’intérêt général régissant la vie en société. Une règle d’ordre public est donc obligatoire et ne peut donc pas être contournée de quelque façon que ce soit, même par la volonté commune des parties.
Cette orientation paraît cohérente dès lors que le statut du salarié inapte est protecteur et que le droit du travail est justement un droit qui se veut protecteur vis à vis du salarié.
La Cour de cassation veut à tout prix éviter que l’employeur ne cherche à échapper à son obligation de reclassement en invoquant un autre motif. En effet, il serait dans tous les cas difficile de mener une recherche loyale et sérieuse de poste de reclassement et un projet de licenciement disciplinaire sans préavis.
2- Si les enseignements de cet arrêt sont forts et paraissent nouveaux, la position de la Chambre sociale n’est pas inédite.
Elle a ainsi décidé dans un passé proche que l’employeur ne pouvait s’affranchir du régime protecteur qui était applicable en cas d’inaptitude en se plaçant sur le terrain du licenciement économique (Cass soc. 10 mai 2012, pourvoi n° 11-11.854 - 14 mars 2000 pourvoi n° 98-41556 – 19 mai 2004 pourvoi n° 02-44671). De même en est-il en cas de conflit entre licenciement pour inaptitude et licenciement pour faute grave (Cass soc. 20 décembre 2017 pourvoi n° 16-14983).
Finalement, le seul apport de cette décision du 8 février 2023 est de rappeler le principe de primauté du licenciement pour inaptitude et ce, même si une procédure disciplinaire a été engagée antérieurement à l’avis d’inaptitude. Car tel était le cas dans la décision précitée puisque, par la chronologie des faits, on constate que l’inaptitude définitive du salarié à occuper son emploi avait été constatée par le médecin du travail le 6 février 2017, alors que la procédure disciplinaire avait été initiée le 24 janvier précédent.
Rien n’y fait, que le motif disciplinaire soit antérieur ou postérieur à l’avis d’inaptitude, c’est la procédure relative à l’inaptitude qu’il convient de suivre.
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